Le direct
de « Star Academy » interrompu par des intermittents
LA PLAINE-SAINT-DENIS, 21 H 10 HIER SOIR . Après l'envahissement du
plateau de « Star Academy », un intermittent du spectacle s'apprête à
lire une déclaration au micro de Nikos Aliagas . (DOCUMENT TF1.)
PAR UN CONCOURS de circonstances, nous étions hier soir au milieu du
public de « Star Academy ». Et nous avons assisté, du coup, à des
scènes ahurissantes. Il est 21 h 10. Le jeune Basque Patxi s'apprête à
chanter en direct du Jacques Dutronc lorsque, soudain, déboulent sur le
plateau 40 à 60 inconnus. Quelques-uns sont âgés. Beaucoup sont vêtus
de manteaux, de parkas et parfois de bonnets. Tous, se plantant au
milieu de la scène, entreprennent de déployer (dans une premier temps à
l'envers) une grande banderole : « Eteignez vos télés ». A cet instant,
TF 1 « flotte », et le direct continue. Ces intermittents-là ont-ils
bénéficié de complicités parmi les intermittents qui travaillaient hier
soir pour TF 1 ? Une certitude en tout cas : les « gros bras » du
service de sécurité ne s'attendaient pas à pareille invasion et ont été
complètement débordés. Dans la salle, remplie d'ados, mais aussi de
très jeunes enfants accompagnés de leurs parents, c'est la
stupéfaction, puis l'incompréhension. Se retrouvent, il est vrai, face
à face, une assemblée très jeune, très colorée et parfaitement ludique,
et un groupe sombre, amer, incapable de surcroît de communiquer
correctement.
La confusion devient totale Nikos Aliagas tente une conciliation : il
propose aux envahisseurs de s'exprimer et cherche (mais en vain) leur
porte-parole. Un intermittent se dévoue à reculons, mais la salle - qui
avait d'abord applaudi les intermittents, comme pour mieux les inviter
à partir - ne comprend rien à ce que beaucoup tiennent, disent-ils,
pour du « charabia ». La confusion devient totale car d'autres
intermittents affirment alors qu'ils ne diront et ne feront rien tant
que leurs camarades restés à l'extérieur seront empêchés de les
rejoindre. Au micro, quelqu'un assure même qu'il y a un blessé. Nikos
demande que le médecin de service se rende sur les lieux. Très vite, le
« chauffeur de salle » (celui qui, responsable de l'ambiance, a
expliqué aux spectateurs, avant le direct, les « règles du jeu » et la
bonne façon de manifester leur... enthousiasme) vient démentir : il n'y
a aucun blessé. Dutronc, mal à l'aise, propose (laborieusement) aux
intermittents de chanter leur colère, et leur tend son micro. Echec. La
salle, retournée, siffle et hue.
Alertés, les CRS prennent position Dès lors, c'est le chauffeur de
salle, devenu l'homme clé de la situation, qui va passer les consignes.
Elles sont d'autant plus formelles que la moyenne d'âge dans la salle
est très basse, et que quelques parents ont entrepris d'invectiver les
intermittents pendant que plusieurs enfants pleurent : « Je demande à
tous d'être extrêmement calmes. Surtout pas d'incidents. La direction
du TF 1 a décidé d'annuler l'émission de ce soir. On ne peut pas faire
autrement. Je sais que vous êtes très tristes. Mais je vous fais, au
nom de TF 1, une promesse formelle : la semaine prochaine, l'émission
reprendra, et vous serez tous invités. » Le public, décontenancé et
furieux, quitte le studio qu'occupent toujours, sur scène, les «
interrupteurs ». Au vestiaire, chacun, en maugréant, récupère ses
affaires. A deux cents mètres, d'autres intermittents, se regroupant,
s'autocongratulent devant les quelques vitres qu'ils ont brisées.
Alertés, les CRS prennent position. Et puis, mystérieusement, à 23 h
10, sur le petit écran, succédant à « Julie Lescaut », « Star Academy »
réapparaît à l'antenne. Mais d'où a surgi ce nouveau public ? Certaines
séquences ne sont-elles pas préenregistrées ? Une heure et demie plus
tôt, en quittant les lieux en larmes, une enfant, ahurie qu'on puisse
pénétrer sur un plateau de télévision aussi aisément, avait lancé : «
Et si ça avait été des terroristes, papa, qu'est-ce qu'ils faisaient ? »
Dominique de Montvalon Le Parisien , dimanche 19 octobre 2003
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