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L'avocat Christophe Germann dénonce la complaisance d'un certain journalisme consacrant une couverture toujours plus grande aux superproductions hollywoodiennes.
«Hollywood pratique une discrimination culturelle à l'échelle planétaire»

   PROPOS RECUEILLIS PAR SANDRA VINCIGUERRA  

Paru le Lundi 13 Octobre 2003


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Alors que l'Unesco débat cette semaine de la préservation de la diversité culturelle, l'avocat et réalisateur genevois Christophe Germann dénonce l'influence des «blockbusters», ces superproductions cinématographiques qui menacent, selon lui, la pluralité d'opinions. Ce phénomène d'ampleur met en danger «tant la critique journalistique que les subventions de l'Etat à la presse et au cinéma». Une préoccupation qui a poussé M. Germann à déposer plainte auprès du Conseil suisse de la presse. Entretien.

Ils s'affichent format mondial dans toutes les villes de la planète simultanément: les blockbusters – littéralement «casseurs de baraque» – sont des films majoritairement produits par Hollywood et dont les budgets se montent à des dizaines de millions de dollars. Né dans les années septante, après la débâcle financière d'Hollywood, le blockbuster est le produit d'une attention toute particulière des studios pour le box-office, c'est-à-dire pour les entrées d'un film. Le phénomène a pris de l'ampleur avec la réussite des Dents de la mer (Steven Spielberg, 1975) et de Star Wars (George Lucas, 1977), les deux premiers films de l'histoire à rapporter plus de 100 millions de dollars. Mais cette stratégie, qui visait au départ l'association d'une génération montante de réalisateurs au renflouement des caisses, est devenue un phénomène planétaire d'une puissance sans égale. Aujourd'hui, les majors – les sept plus grands studios hollywoodiens – inondent le marché de leurs véritables machines à argent.
Christophe Germann, avocat aux barreaux de Genève et Zurich, s'est attaché à comprendre l'influence des blockbusters sur la diversité de l'offre culturelle en matière de cinéma en Suisse. Il a mis au jour les relations souterraines entre la domination du marché par les majors, la critique journalistique et les subventions accordées à la presse et au cinéma. Entretien avec un esprit clairvoyant et original: Christophe Germann ne se contente pas de constater, il propose un modèle pour préserver une diversité culturelle menacée.


Le Courrier: En février dernier, vous avez déposé une plainte au Conseil suisse de la presse à propos de la couverture des blockbusters par les médias suisses. Vous estimez que certains articles ressemblent à de la publicité déguisée, soit du publi-reportage.

Christophe Germann: Cette plainte concernait un article de trois pages sur le blockbuster Spider-Man, publié avant le lancement de ce film dans la rubrique culturelle du quotidien Le Temps le 1er juin 2002. La moitié de cette critique est constituée de photos «copiées/collées» du dossier de presse. Sa composition graphique est d'un style racoleur et son contenu largement complaisant. Cet article me paraît caractéristique d'une certaine tendance de la critique de cinéma actuelle à confondre journalisme et publicité.
»Ce genre de film produit et distribué par les majors jouit d'un budget de publicité de plus d'un million de francs rien que pour la Suisse. Au niveau international, les investissements en marketing d'un tel blockbuster s'élèvent à 50 millions de dollars en moyenne alors que ses coûts de production atteignent 30 millions1.
»Il y a un lien de causalité entre le budget marketing exorbitant et la place disproportionnée octroyée dans la partie rédactionnelle des journaux suisses à ces films. A titre de comparaison, le budget marketing d'un film suisse atteint rarement 50 000 francs. A l'évidence, il y a un grave problème d'accès pour les spectateurs. Comment peut-on être concurrentiel à qualité égale si l'on ne jouit pas d'un budget publicité comparable à celui d'un blockbuster?


Votre argumentaire se fonde sur des questions de déontologie des journalistes. Mais, plus largement, vous estimez que ce type de couverture met en péril les objectifs de pluralité d'opinions poursuivis par la Confédération lorsqu'elle subventionne la presse et le cinéma.

– La Confédération finance par une subvention indirecte la presse depuis 1996. Cette somme, qui atteint aujourd'hui un demi-milliard de francs, soit entre 40 et 120 millions de francs par année, est censée préserver la diversité des opinions, le Meinungspluralismus.
»En même temps, la Confédération octroie une aide annuelle – beaucoup plus modeste – à la branche cinématographique afin de promouvoir l'identité et la diversité culturelle dans le domaine audiovisuel. La subvention en faveur du cinéma s'élève aujourd'hui à quelque 20 millions de francs par année grâce à une récente augmentation. Lorsqu'un journal subventionné en Suisse dédie trois pages de «reportage publicitaire»1 à Spider-Man et un espace systématiquement beaucoup plus modeste aux films européens, africains, asiatiques ou latino-américains, il sabote la diversité culturelle en abusant de la subvention à la presse et en cannibalisant ainsi la subvention au cinéma.
»L'article paru dans Le Temps sur Spider-Man aurait coûté à la major environ 45 000 francs s'il avait été publié comme publicité. Cela représente un cadeau involontaire des contribuables suisses aux grandes entreprises médiatiques d'Hollywood. Mais il ne s'agit pas là d'une exception. La Sonntagszeitung a publié deux pages dans la même veine; la Weltwoche, L'Hebdo ainsi que les autres publications des grands groupes de presse célèbrent pratiquement chaque lancement de blockbusters en Suisse: Minority Report, Harry Potter, Lords of the Ring, etc. Comme il s'agit d'un problème d'ampleur nationale, j'ai choisi un exemple romand et j'ai déposé la plainte en langue allemande devant le Conseil suisse de la presse, cela en vue de surmonter la barrière linguistique.


Mais vous avez été débouté en avril dernier. Sur quelles bases?

– Le Conseil de la presse a refusé d'entrer en matière en ce qui concerne le reproche de cannibalisme des subventions en alléguant qu'il n'est pas compétent pour se prononcer sur des questions de politique culturelle.
»Cela est en contradiction flagrante avec la jurisprudence de ce même Conseil dans les années nonante. Les prises de position de cette époque touchaient aux rubriques économiques, touristiques, sportives et automobile. Ainsi, dans une prise de position de 19922, le Conseil de la presse, à l'époque un peu plus critique et sensible aux méfaits des pressions économiques exercées sur les journalistes, exprimait clairement que les politiques ayant trait aux droits humains devaient être prises en compte dans les reportages touristiques sur l'Afrique du Sud durant le régime de l'apartheid. Même raisonnement pour les politiques de protection de l'environnement en relation avec le journalisme automobile, notoirement exposé aux faveurs des producteurs et distributeurs.


Et sur les questions de déontologie?

– Personnellement, je ne mets pas en doute l'intégrité des journalistes concernés. Quelle est la responsabilité des rédacteurs en chef et des éditeurs? Puisque la manne publique octroie un demi-milliard de francs pour préserver la diversité des opinions, il s'agit de mettre cette politique publique effectivement en oeuvre, cela dans un esprit de «service public». Si un éditeur se plie aux exigences des intérêts privés de grandes entreprises disposant du capital nécessaire pour manipuler les opinions à leur goût, il faut qu'un tel éditeur soit conséquent et cesse de toucher les subventions.


Mais s'il ne s'agit pas de corruption, comment définiriez-vous cette pratique?

– Pour revenir à l'argumentation du Conseil de la presse dans sa prise de position sur les blockbusters, il faut admettre que celle-ci est passablement boiteuse au niveau juridique.
»En effet, les règles déontologiques que j'invoque3 et la jurisprudence n'exigent pas du lecteur de prouver qu'un article a été rédigé contre rémunération. S'il y avait un doute fondé à ce sujet, il reviendrait au Conseil de la presse d'élucider la question d'office, tel que cela a été pratiqué au début des années nonante. En outre, comment nier une violation de la déontologie lorsque l'on considère que l'article en question se présente comme une affiche publicitaire montrant sur une page entière une image de Spider-Man?
»Le Conseil de la presse oublie de se prononcer sur la question de savoir si la mention répétée de la marque et du produit Spider-Man répond à un intérêt public légitime ou à l'intérêt des lecteurs à être informés tel que l'exige cette règle déontologique.
Le Conseil de la presse cherche à passer sous silence un grave problème de la presse helvétique, soit l'absence de garde-fous efficaces contre la censure privée. Du point de vue du citoyen, cela est très inquiétant.
»Le Conseil de la presse est une entité privée, une fondation qui applique des règles et une jurisprudence établies par elle-même. L'une des fonctions essentielles de cette institution consiste à lutter contre les atteintes à la liberté d'opinion, d'expression, de l'information, en somme de s'engager en faveur de la liberté de la presse. En refusant de protéger les journalistes contre les pressions économiques, le Conseil de la presse fait le jeu des grandes entreprises médiatiques.


Quel rôle attribuez-vous à la critique?

– Mon action ne se limite pas à dénoncer le rôle peu flatteur joué actuellement par beaucoup de critiques de cinéma servant de «femmes et hommes-sandwich» pour vendre des blockbusters du genre Spider-Man. En effet, je veux mettre en exergue le dommage fait à la cause de la diversité culturelle en matière cinématographique. Celle-ci aurait besoin d'une critique de cinéma de qualité, qui serait sensibilisée au dysfonctionnement actuel du marché audiovisuel.
»Selon un sondage récent effectué en Suisse, 74,3% des personnes interrogées indiquent qu'elles s'informent au moyen de critiques de cinéma publiées dans la presse. 60% de ces personnes estiment que les médias suisses couvrent les films suisses de manière insuffisante. Ces chiffres témoignent de l'influence de la critique sur les choix des spectateurs. Celle-ci peut ainsi jouer un rôle clé dans la promotion de la diversité culturelle dans le domaine du cinéma.
»En effet, l'engagement pour la liberté d'expression cinématographique et pour la liberté de la presse contre les pressions économiques, qui uniformisent les formes et les contenus, relèvent d'un même combat dans la Société de l'«Infotainment», où l'information et le divertissement ont fusionné.


Vous avez interpellé MM. Couchepin et Leuenberger pour leur livrer votre analyse du marché du cinéma suisse. Comment ont-ils réagi?

– Pour attirer l'attention des milieux concernés, j'ai envoyé une copie de ma plainte à diverses personnes et institutions, dont les conseillers fédéraux Pascal Couchepin, responsable de la subvention au cinéma, et Moritz Leuenberger, responsable de la subvention à la presse. M. Couchepin m'a répondu qu'il était difficile d'évaluer l'efficacité des subventions, surtout lorsqu'elles émanent de deux départements fédéraux différents comme c'est le cas des subventions de la presse et du cinéma.
»M. Leuenberger m'a répondu que l'Etat ne devait pas abuser de la subvention à la presse pour exercer un contrôle sur les contenus journalistiques.
»A mon avis, il est irresponsable de distribuer de l'argent public pour atteindre certains buts – en l'occurrence la diversité des opinions pour la presse et la diversité culturelle pour le cinéma – sans ensuite se soucier de savoir si les subventions sont utilisées de manière conforme à ces buts. Si le gouvernement ne parvient pas à assurer cette conformité, il incombe au Parlement de corriger le tir.
»M. Leuenberger soulève la question de la censure. Dans ce contexte, il faut se poser la question suivante: comment une critique de cinéma influencée par les investissements en marketing influence-t-elle à son tour le choix du spectateur? Il faut admettre qu'il existe une forme de censure privée qui a les mêmes effets que la censure publique.
»Je suis toutefois d'accord avec M. Leuenberger: l'aide publique ne doit pas servir à l'Etat pour censurer la presse. Mais en tant que contribuable, je refuse de financer trois pages de critique publicitaire sur le film Spider-Man.


Comment définissez-vous la «censure privée»?

– Les moyens de droit contre la censure publique reposent sur la liberté d'opinion et d'expression. Traditionnellement, cette liberté est un moyen de défense de l'individu contre l'Etat. Maintenant, avec la privatisation croissante, l'Etat, dans bon nombre de domaines, disparaît au profit de collectivités privées, par exemple les grands groupes médiatiques. Ces entités privées peuvent acquérir par là un pouvoir comparable à celui de l'Etat. A mon avis, il faut aujourd'hui réaliser la liberté d'opinion et d'expression également dans les relations entre personnes privées, à savoir entre l'individu et la grande entreprise. Par exemple, entre le spectateur et AOL/Time/Warner, entre le pigiste et Ringier.


Pour en revenir au cinéma...

– Dans le monde du cinéma, le marché véritablement pertinent ne se situe pas entre les producteurs de films (offre) et les spectateurs (demande), mais entre les distributeurs de films (offre) et les exploitants de salles de cinéma (demande). Les distributeurs mettent à disposition les films et les investissements en publicité. Les exploitants de salles de cinéma ont une tendance légitime à programmer des films susceptibles d'attirer les foules. En tant qu'exploitant, je préfère programmer Spider-Man plutôt qu'un film suisse qui ne jouit d'aucune ressource en marketing. Ainsi, le spectateur ne pourra jamais voir ce dernier parce qu'il n'y aura aucun exploitant de salle obscure qui le programmera. Le spectateur devra aller voir Spider-Man, car une dizaine de salles dans la même grande ville lui imposeront ce choix par leur programmation uniforme... C'est ce que j'appelle également la censure privée. Et lorsqu'on incite des critiques de cinéma à remplir leurs pages culturelles d'articles complaisants, cette censure privée s'avère totale!

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COMMENT SORTIR DU SYSTÈME

Il a été question récemment d'amender les distributeurs qui programment trop de blockbusters. Que pensez-vous de ce système?

– Il s'agit d'une sanction qui peut être imposée aux distributeurs et exploitants de salles de cinéma qui violent la nouvelle loi fédérale sur le cinéma. Les entreprises de distribution et de projection doivent en effet contribuer à la diversité de l'offre cinématographique. Celle-ci est assurée dans une région donnée si, compte tenu du nombre de salles de projection et de la taille de la région, les films projetés proviennent en nombre suffisant de pays différents et s'ils représentent des genres et des styles divers.
»Cette obligation et son mécanisme de sanction représentent un instrument louable pour réaliser le postulat de la diversité culturelle et lutter contre la pensée et l'émotion unique dans le domaine du cinéma.


Est-ce une réelle solution pour le cinéma indépendant?

– Le problème subsiste. A défaut de ressources publicitaires concurrentielles, les films européens, africains, asiatiques et latino-américains resteront dans une large mesure ignorés du public et ainsi sans rentabilité. En toute probabilité, ils ne seront donc pas économiquement viables sans aide étatique.
»Et il se trouve que cette aide est remise en question dans le cadre des négociations sur l'Accord général sur le commerce des services (AGCS ou, en anglais, GATS) actuellement en cours à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
»Le problème est le suivant: la production cinématographique européenne est financée entre 40 à 80% par la manne publique, tandis que le financement de la production audiovisuelle américaine repose essentiellement sur des sources privées. Les Américains invoquent à l'OMC que les subventions et autres formes d'aides étatiques – notamment les quotas de programmation – faussent la concurrence et constituent ainsi des barrières au commerce international.
»Dans le cadre des accords multilatéraux et bilatéraux et au moyen de pressions unilatérales, les Etats-Unis harcèlent ainsi depuis de nombreuses années les pays qui poursuivent des politiques culturelles en faveur du cinéma. Si Hollywood devait gagner cette guerre, les cinémas suisses n'auraient plus que des films hollywoodiens à montrer, soit des films en langue anglaise, dans un langage cinématographique hollywoodien, avec des décors américains, des histoires et des valeurs américaines... Les films qui remplissent ces critères font aujourd'hui déjà les 99% des parts de marché aux Etats-Unis et dans les pays qui ne peuvent pas financer une aide au cinéma conséquente, à savoir les pays en voie de dévelopement et les économies en transition.


Quel est à votre avis le modèle le plus efficace de préservation des cinémas d'un autre genre?

– La promotion de la diversité culturelle au moyen de subventions est un luxe qui est à la portée des pays nantis uniquement. Cela incite à réfléchir sur des outils complémentaires et alternatifs qui pourraient réaliser le postulat de la diversité culturelle.
»Une idée consisterait à imposer une taxe progressive sur le marketing: 30% pour les films jouissant d'un budget de marketing de plus de 100 000 francs, 3% pour les autres. Les revenus générés par cette taxe seraient ensuite distribués aux films jouissant d'un budget marketing de moins de 10 000 francs...


Vous proposez, outre la taxe, d'agir sur le «copyright».

– Une solution véritablement novatrice consisterait à établir un nouvel équilibre au niveau du droit de la propriété intellectuelle.
»Formulé de manière un peu simplifiée, le droit d'auteur protège le créateur tandis que le copyright protège l'investisseur. Je suis persuadé qu'il faut réduire substantiellement le niveau de protection du copyright tout en préservant les bienfaits du droit d'auteur. Concrètement, un nouvel équilibre plus juste au niveau du copyright mettrait un film suisse sur un pied d'égalité avec Spider-Man.
»L'oligopole d'Hollywood impose ses blockbusters à coups de massue publicitaire. Ces investissements sont suscités et protégés par le copyright et par le droit des marques («trade marks»). Il y a aujourd'hui un large consensus dans la grande majorité des pays pour faire respecter le droit de la propriété intellectuelle. Certaines violations graves du droit d'auteur et du droit des marques, des actes dits de «piraterie» sont même passibles de sanctions pénales.
»La mise en oeuvre de la propriété intellectuelle est liée à des coûts importants pour les Etats. On peut soutenir que ces dépenses ne sauraient être justifiées lorsqu'elles contribuent à nuire à des politiques culturelles légitimes. En l'espèce, il serait absurde de dépenser des deniers publics pour protéger la propriété intellectuelle d'un oligopole qui pratique systématiquement et à l'échelle planétaire de la discrimination culturelle.
Propos recueillis par SVa

Note : Le dossier concernant la plainte au Conseil de la presse peut être consulté sur le site www.germann-avocats.com
1Voir les statistiques MPA 2002 Market Statistics sur le site de la MPAA, www.mpaa.org/ useconomicreview/2002/2002_Economic_Review.pdf
2 7/1992, www.presserat.ch
3 Droits et devoirs des journalistes
Directive 10.1: Séparation entre la partie rédactionnelle et la publicité
La séparation entre la partie rédactionnelle, respectivement le programme, et la publicité doit être signalée de manière visible et claire pour l'entendement. Il est de la responsabilité du/de la journaliste d'observer cette séparation et de ne pas la transgresser en intégrant de la publicité clandestine dans les articles ou émissions. La transgression intervient lorsque la mention d'une marque, d'un produit ou d'un service, ou la répétition de cette mention, ne répond pas à l'intérêt public légitime ni à l'intérêt des lecteurs ou auditeurs à être informés.
Directive 10.2: Reportages publicitaires
Le/la journaliste ne rédige en principe pas de reportages publicitaires, afin de ne pas compromettre sa crédibilité professionnelle. Il/elle relate selon les critères professionnels habituels les événements dans lesquels son média est engagé comme sponsor ou partenaire.

Christophe Germann partage son temps entre le droit et le cinéma. Spécialiste du droit de l'audiovisuel et du droit d'auteur, il enseigne ces domaines à l'Université de Berne. Il y questionne notamment les tensions entre le postulat de la diversité culturelle et le droit du commerce international à l'exemple du cinéma. Il a récemment produit Colza Klo (avec Fabienne Thonney, Dominique Gubser, Pietro Musillo et Jérôme Ogier), prochainement diffusé par la télévision alémanique. Christophe Germann compte également réaliser un documentaire sur «les méfaits» des Blockbusters. L'avocat genevois s'est aussi investi dans un programme de soutien au cinéma du Caucase du Sud intitulé «Avanti»: «Il a pour but de donner un nouveau souffle au cinéma du Caucase du Sud, cela en vue de renforcer la cohésion sociale, l'identité ainsi que la diversité culturelle dans cette région déstabilisée. Le cinéma du Caucase du Sud a été économiquement dévasté à la suite de la chute du régime soviétique. Le vide laissé a été immédiatement comblé par l'oligopole hollywoodien qui impose aujourd'hui sa vision en censurant toute autre expression cinématographique. La dictature est morte, vive la dictature...»


«Je suis contre une disqualification a priori des blockbusters»
PROPOS RECUEILLIS PAR SANDRA VINCIGUERRA
RÉACTION - Jean-Jacques Roth, rédacteur en chef du «Temps», explique ses choix rédactionnels.

Selon Jean-Jacques Roth, rédacteur en chef du Temps, le quotidien romand ne cède pas aux sirènes commerciales. Les rédacteurs se sentent totalement libres d'évaluer la qualité intrinsèque des blockbusters, au même titre qu'un film issu des cinématographies dites «marginales».


Le Courrier: Pourquoi Le Temps a -t-il réservé trois pages au blockbuster Spider-Man, de Sam Raimi?

Jean-Jacques Roth: Notre couverture ne dépend pas de la nature du produit culturel sur lequel nous écrivons. En d'autres termes, ce n'est pas son statut de blockbuster qui nous a poussés à faire la Une du Samedi culturel sur Spider-Man. Nous nous intéressons plutôt à ce qui produit un événement: en quoi tel ou tel film fait débat, quels aspects il révèle, soit de sa production soit de sa consommation. Nous posons la question: quel est le sens de cette production culturelle? Thierry Jobin avait, par exemple, vu dans Spider-Man des évolutions considérables du langage hollywoodien, et c'est de cela qu'il a parlé.


N'y a-t-il aucune «censure» ou «pression» sur la couverture de ces événements?

– Non, aucune. Mais je ne conteste pas l'existence d'un bruit de fond économique et que le marché de la production cinématographique existe. Qu'il faut être attentif aux redoutables phénomènes d'entraînement médiatique. Cependant, ces phénomènes commerciaux ne déterminent pas notre manière d'en parler.
»Par ailleurs, il serait absurde d'ignorer un film parce que c'est une machine commerciale et que des dizaines de milliers de spectateurs l'ont vu ou iront le voir. Il sera plus intéressant de comprendre les clefs de ce succès, même s'il s'agit d'un nanar.


Selon Christophe Germann, les très grandes images de Spider-Man qui illustraient votre article constituaient une promotion déguisée.

– Oui, montrer l'objet dont on parle c'est faire la promotion de cet objet. Mais ce n'est pas parce que l'on met une photo de Christiane Brunner ou de Christophe Blocher pour illustrer un article à leur sujet que l'on soutient les idées du Parti socialiste ou de l'Union démocratique du centre.


Il argue enfin que Le Temps fait la part belle aux blockbusters, marginalisant les productions indépendantes ou les cinématographies «marginales».

– Il se trompe. Nous avons largement soutenu Intervention divine d'Elia Suleiman, ainsi que le petit chef-d'oeuvre de Stéphane Bron Mais um Bundeshuus ou Good Bye Lenin! de Wolfgang Becker. Par ailleurs, notre politique de couverture soutient fortement les cinémas différents, ainsi que les cinémathèques. Nous faisons une grande place aux cinémas venus d'Amérique latine, par exemple, et nous couvrons largement le cinéma suisse. Il serait intéressant d'ailleurs de calculer la place réservée aux cinématographies dites «marginales» et celle réservée aux blockbusters. Les premières l'emporteraient sans aucun doute. Par ailleurs, il est vrai que lorsque nous consacrons trois pages à Spider-Man cela se voit plus. Peut-être parce que cette couverture marque une rupture avec le style habituel du Samedi culturel. Mais cette rupture n'est pas négative.


Vous ne pouvez cependant pas nier que l'industrie hollywoodienne étouffe le cinéma indépendant.

– Non, je souscris à cette analyse. Mais cela ne change rien à la qualité intrinsèque de certains films hollywoodiens. Je suis contre une disqualification a priori des blockbusters.