http://www.lefigaro.fr/culture/20030904.FIG0194.html Le bilan d'un comédien Marion Thébaud Alain (*) est comédien. Il a fait ses classes au Conservatoire. Il joue dans les théâtres parisiens ou en province dans les subventionnés. Inconnu du très grand public, il fait partie de ces comédiens qui jouent régulièrement depuis plus de vingt ans. Il connaît des hauts et des bas, mais toujours il a recours aux Assedic car même quand il joue une pièce, une saison, à Paris, ce qu'on peut appeler une année faste, il n'enchaîne pas comme peut le faire une star avec un film ou une série télévisée. Si certaines stars demandent l'ouverture de leur droit aux Assedic, il existe également des comédiens responsables et civiques. Ainsi, Bernard Girau deau qui a renvoyé aux Assedic un chèque, estimant que cet argent serait plus utile aux jeunes qui débutent. Alain, lui, n'a pas la chance de faire un film qui lui apporterait notoriété et gain. Il réussit à joindre les deux bouts grâce à ses indemnités. Alain a fait une année moyenne. Pas de grande pièce, mais des cachets dispersés, en festival, dans des petits théâtres, à la radio. Bref, il déclare environ 15 000 ¤. C'est à partir de cette somme que les Assedic calculent son salaire journalier de référence (SJR). Il est de 204,25 ¤. Son allocation quotidienne dégressive sera de 73,87 ¤ (31% du SJR). S'il ne travaille pas, il touchera cette somme amputée des charges, pendant 365 jours, comme le voulait l'ancien accord. S'il exécute des cachets isolés ou groupés, son indemnité est suspendue selon un système bien précis. Les Assedic comptent 12 heures pour un cachet. Mettons qu'Alain ait fait 5 cachets dans le mois. Cela donne 60 heures. On divise cette somme par 11 (ne me demandez pas pourquoi m'explique un responsable des Assedic, c'est comme ça). On obtient 5,5. Le comédien ne sera pas indemnisé pendant cinq jours et demi. Dans le nouvel accord, le changement est de taille, et «plus juste», pour Alain. Dans l'ancien système que le comédien touche 50 ou 500 ¤ par cachet, cela revenait au même. Aujourd'hui, c'est différent. Admettons qu'Alain obtienne un cachet de 1 000 ¤, puis quatre cachets de 500 ¤, il va déclarer non pas cinq cachets mais 3 000 ¤. Somme qui sera divisée par son SJR et qui lui donnera le nombre de jours non indemnisables. S'il a bénéficié de gros cachets, il recevra peu ou pas d'indemnités. En revanche si ses cachets sont maigres, il touchera son indemnité. Mais le nouvel agrément offre bien d'autres surprises. Un comédien comme Alain a de fortes chances de voir son allocation quotidienne augmenter. En partant toujours de 15 000¤ de gain sur dix mois et demi cette fois et non douze, on obtient un tout autre chiffre d'allocation. Le montant sera de 19,5% du SJR auquel on additionne le nombre d'heures déclarées multiplié par 0,026 ¤, plus une partie fixe de 9,94 ¤ (ce qui donne 19,5 de SJR + (0,026 ¤ x nombre heures de travail)) + 9,94 ¤. Ouf ! mais au bout du compte, notre comédien Alain touchera aux environs de 93 ¤ d'allocation quotidienne au lieu de 73,87 ¤. Alors pourquoi une telle flambée de colère ? «Les petits vont trinquer», «on perturbe les habitudes», «les vrais abus rencontrés dans les maisons de production audiovisuelle ne sont pas pris en compte», autant d'éléments de réponse glanés ici et là qui manifestent une grogne certaine. Mais la vraie peur est ailleurs, elle est dans l'incertitude d'une profession qui voit ses tournages se réaliser à l'étranger parce que la main-d'oeuvre y est moins chère, dans la surenchère des cachets payés aux stars au détriment des autres, au manque de repères des professions artistiques vouées au désir du prince, aux plus chanceux, à l'air du temps... (*) Prénom d'un comédien professionnel de très bonne réputation mais qui a préféré conserver l'anonymat. |