http://www.lefigaro.fr/culture/20030904.FIG0193.html

Les calculs d'un musicien <
Éric Biétry-Rivierre

Olivier Sens est contrebassiste professionnel mais ses études ont surtout été scientifiques et il est titulaire d'un diplôme d'ingénieur en mathématiques.

Actuellement, quand il ne joue pas, il utilise son savoir pour comparer l'ancien système et le nouveau, en supposant une quantité de travail équivalente, aidant ainsi la coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France à y voir plus clair. Ses con clusions ? «Il va y avoir aux environs de 30% d'exclus du système mais ceux qui resteront intermittents verront la moyenne mensuelle de leur indemnisation, en général, augmenter.» Et d'étayer ces deux points.

Concernant le premier, l'exclusion dépendra du nombre de cachets obtenus, bien sûr (au minimum 43 sur une période de 10,5 mois pour les artistes et de 10 mois pour les techniciens au lieu d'un an actuellement), mais aussi de la durée moyenne des engagements.

En effet, après le changement de système le 1er janvier 2004, lors du réexamen du dossier pour une éventuelle réouverture de droits, c'est-à-dire lorsque sera versé le 243e jour de crédit d'Assedic, l'administration redéterminera une période de ré férence (*), laquelle ne tiendra pas compte des cachets acquis hors d'elle. Or, bon nombre d'intermittents connaissent des périodes d'intense activité - un festival, une tournée, un film - suivies de longues semaines d'inactivité. «Ainsi, à l'avenir, il vaudra mieux avoir des périodes d'engagement assez courtes mais régulièrement espacées», commente Olivier Sens.

La simulation qu'il propose (voir le tableau 1) se fonde sur les chiffres des «allocataires entrés» donnés par l'Unedic pour l'année 2000 (les derniers disponibles). Il faut le lire de la façon suivante (ligne 1) : un intermittent faisant actuellement 45 cachets groupés par deux en moyenne a 98 chan ces sur 100 de ne pas rester dans le système réformé. Ou encore (ligne 5), ce même intermittent, s'il faisait 5 cachets de plus, ne devrait être inquiété qu'à 23%.

«Il est intéressant de constater que pratiquement toutes les catégories d'intermittents sont concernées, et pas seulement ceux dont le nombre de cachets est assez faible, remarque Olivier Sens. Ainsi, certains intermittents pourraient se croire à l'abri avec 60 cachets par an. Mais l'étude montre que, si celui-ci effectue ses cachets par séquences de 20 jours en moyenne, il aura 20 chances sur 100 de ne pas rester intermittent l'année prochaine. Il se peut en effet que l'enchaînement de ses périodes de travail lui soit défavorable.»

A contrario, l'intermittent actuel pourra toujours se satisfaire de voir que, s'il reste dans le circuit, il a de bonnes chances de voir son allocation journalière (AJ) augmenter.

C'est la deuxième thèse d'Olivier Sens. Thèse que les syndicats comme l'Unedic se gardent de reprendre.

Dans le nouveau système, le calcul de l'AJ fait intervenir une nouvelle variable qui est le nombre d'heures effectué au cours de la période de référence. La formule devient alors dépendante à la fois de la moyenne des cachets et du nombre d'heures. Notre contrebassiste mathématicien a donc calculé le montant de l'AJJ en faisant varier à la fois la moyenne des cachets (de 66 à 600 euros) et leur nombre de 43 à 83 (voir tableau 2).

Commentaires de l'auteur : «Le nouveau mode de calcul n'est pas socialement équitable, sa logique même laisse perplexe. Une personne touchant 8 300 euros sur l'année, sous forme de 83 cachets à 100 euros, recevra 10 073 euros alors qu'une autre touchant 8 600 euros (soit des sommes très pro ches), sous forme de 43 cachets à 200 euros, percevra 13 484 euros. Autre exemple, une personne faisant 43 cachets à 400 euros touchera 20 euros de plus d'AJ que celle faisant 83 cachets à 200 euros. Pour résumer, si vous voulez avoir une meil leure indemnisation, à salaire annuel égal il vaudra mieux avoir quelques gros cachets que beaucoup de petits. Mais dans ce cas vous prenez le risque de les voir perdus comme démontré plus haut.»

(*) On comptera rétroactivement les cachets à partir du dernier jour d'indemnisation. Si on trouve les 43 dans les 10,5 ou 10 mois précédents, on redevient bénéficiaire, sinon l'administration regarde à partir du 42e, sinon à partir du 41e, etc.