http://www.humanite.fr/journal/2003-09-20/2003-09-20-379180 " L'art se fait dans le temps " Philippe Betrancourt. Photographe, s'occupe à plein temps de l'association Acte de naissance. L'H du Siège à Valenciennes. Je suis artiste, photographe, mais j'ai à peu près laissé tomber au profit de mon travail pour l'H du siège, espace dédié à la création contemporaine. Nous sommes installés depuis 1996 dans une ancienne menuiserie située au 15, rue de l'Hôpital-de-Siège à Valenciennes. Cette structure résume en quelque sorte le combat que mène notre association Acte de naissance qui a vu le jour en 1988. Il nous semblait à ce moment-là, et c'est toujours vrai, que manquaient pour les jeunes artistes, un, voire plusieurs chaînons entre la sortie des écoles d'art et la possibilité d'une reconnaissance du travail accompli. À titre d'exemple, l'obtention des diplômes donne lieu chaque année et pour chacun des lauréats à de mini-expositions qui ne sortent jamais des murs de l'école. Notre politique est donc de défendre une création en gestation. Nous proposons plusieurs modules d'expositions. L'un permet de retracer quatre à cinq ans du parcours d'un jeune artiste avec les ouvres charnières qui le ponctuent. L'artiste monte l'exposition. Nous l'accompagnons dans son atelier, au long de son travail de recherche. Autrement nous organisons des " expositions-confrontations " entre deux artistes qui se sentent des démarches ou des sensibilités communes et dont les regards sur leurs travaux respectifs vont se renouveler par un système de passerelles et de renvois. Nous offrons aussi des résidences de trois mois en atelier-logement qui débouchent sur des expos. Nous proposons aussi des résidences plus brèves pour de jeunes artistes sans moyens, en panne d'atelier ou de finances. Nous appliquons le " droit à l'exposition " qui rémunère le temps passé à la préparation, à la présence de l'artiste. Cette rémunération doit être imposée. Il est aberrant qu'un plasticien soit le seul artiste qui se " produise " pour par un rond. Je m'interroge sur le mécénat dont le ministère de la Culture parle tant. Toutes nos tentatives dans ce sens ont échoué. Les entreprises s'intéressent davantage aux événements très médiatiques mais l'art les angoisse. Elles ne maîtrisent pas. Déjà que l'art est de manière générale " hors normes ". Autre problème en cours ? La décentralisation. Ce serait aux politiques de faire des choix en matière d'art ? On peut critiquer le travail des DRAC qui ont d'ailleurs peu de moyens, mais au moins elles font " tampon " avec les divers pouvoirs. Des élus nous soutiennent. Certains nous portent carrément, comme Yvan Renar, le vice-président communiste du conseil régional du Nord. Mais c'est trop aléatoire. Je ne sais pas si ces Rencontres vont déboucher sur quelque chose. Les plasticiens sont souvent très individualistes. C'est lié à la nature de leur travail mais aussi à ses conditions. Surtout, il me semble vivre dans une société qui exige d'abord que l'on " fasse carrière " et le plus vite possible. L'art, lui, se fait dans le temps. |