http://www.humanite.fr/journal/2003-09-23/2003-09-23-379335 Chanteuses, fermez-la ! Le Quartet buccal, formation musicale sise jusqu'ici dans les locaux de la Maison des jeunes et de la culture de Savigny-sur-Orge, vient de s'en faire éjecter avec un délai de pliage des bagages serré comme une poigne d'huissier. Les quatre jeunes femmes qui se produisent a cappella et entourent leur chant de mises en scènes facétieuses sont coupables d'expression publique. C'était le 14 septembre dernier, lors de la fête des associations de la ville. Les quatre chanteuses prennent la parole pour informer le public des mauvais tours du protocole concernant les intermittents. Sous les applaudissements, elles écourtent de quelques minutes leur spectacle, histoire de faire entendre les silences auxquels serait condamnée la vie culturelle s'il était appliqué. La souffrance partagée des artistes et du public enfle dans cette partition muette. Une conseillère municipale (UMP) exige à plusieurs reprises qu'on leur coupe le sifflet. Prévenue de leur action, la direction de la MJC s'y refuse. La voilà complice. Dès le lendemain M. Marsaudon, sénateur et maire (UMP) de Savigny-sur-Orge convoque le président et le directeur de la MJC. L'édile ne mâche pas ses mots : à la porte le quartet et ce sous vingt-quatre heures. Sinon c'est le bâton et la fin des subventions municipales pour un lieu qui ne saurait s'en passer. Par la force des choses, le chantage fonctionne. Un conseil d'administration de la MJC vote à la quasi-unanimité le départ des artistes. Au milieu des cartons qu'elle tente de boucler, l'une des chanteuses du Quartet Buccal, Véronique Ravier ne reste pas sans voix : " Cette affaire scandaleuse en dit long sur la liberté d'expression aujourd'hui en France et sur la politique culturelle qui y est menée. " Le groupe travaillait à Savigny depuis dix ans et, en contrepartie de son hébergement, offrait représentations et interventions pédagogiques. " Il est vrai reprend Véronique, que nous n'avions pas de contrat écrit. L'échange fonctionnait bien. Nous sommes en grève depuis la signature du protocole le 26 juin dernier. Nous avons annulé toutes nos prestations de l'été en Avignon et ailleurs. " Les quatre chanteuses dépendent pour leurs multiples créations du dispositif d'indemnisation des intermittents. " Nous sommes en première ligne, insiste Véronique. Il nous a semblé que la fête de notre ville était une bonne occasion d'impliquer le public, de rendre palpable le sens de nos revendications. Pour cette raison, on nous vire comme des chiens. " Dans l'immédiat, la ville d'Athis-Mons va les abriter pour une première saison. Leurs téléphones ne cessent de sonner : " C'est incroyable, s'enthousiasme Véronique, le nombre de gens, de villes, de compagnies de spectacle qui nous apportent leur soutien. Cela fait chaud au cour mais surtout, cela donne de la force. " Dominique Widemann |