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Trois jours de débats pour décider de la suite de la lutte
LE MONDE | 01.09.03 | 12h59

Quelque deux cents délégués des coordinations d'intermittents, représentant une trentaine de villes ou de régions, se sont réunis à Paris, du 28 au 30 août, pour fixer les modalités des "luttes" pour cette rentrée. Trois jours de débats parfois difficiles : si l'été a connu une mobilisation exceptionnelle, le gouvernement n'a guère plié.

Faut-il continuer à bloquer les spectacles ? Faut-il inventer d'autres formes de lutte ? Comment concilier les mots d'ordre de grève et le besoin qu'ont les artistes de travailler pour obtenir le nombre nécessaire de cachets avant la fin de l'année ? Comment mobiliser le monde de l'audiovisuel, peu présent dans le mouvement ? Comment rallier les autres mouvements sociaux, à supposer qu'ils reprennent à cette rentrée ?

A la salle Olympe-de-Gouges, siège de la coordination Ile-de-France, dans le 11e arrondissement de Paris, qui a accueilli cette rencontre nationale, les traces d'un été studieux sont visibles : sur les tables, s'empilent les textes de réflexion, les propositions "pour un nouveau modèle d'indemnisation des salariés intermittents", les documents qui décryptent en détail le protocole d'accord signé le 27 juin.  Aux murs, sont affichés les contacts, les rendez-vous des initiatives à travers toute la France, les revues de presse. Une affiche détourne la campagne publicitaire du journal L'Humanité : "Dans un monde idéal, le Medef n'existerait pas." A l'entrée, un conseil : "Au-delà de cette limite, pense d'abord à sourire."

Pour l'ensemble des collectifs, le boycottage des discussions sur la culture proposées à Paris et dans les régions par le ministère est une évidence. La rencontre nationale appelle "toutes les personnes invitées aux rendez-vous programmés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) début septembre à refuser ces rencontres et à rejoindre les intermittents en posant l'abrogation de l'ordonnance-d'agrément sur le régime de l'assurance-chômage, NDLR- comme préalable indispensable à toute discussion".

A quelques jours de l'ouverture des théâtres et du début des saisons artistiques, les militants sont plus partagés sur l'attitude à adopter.

Les institutions publiques du théâtre et de la danse ont pour habitude d'inviter le public à une ouverture de saison, au cours de laquelle elles présentent la programmation de l'année à venir. La plupart des coordinations ont déjà rencontré les directeurs d'institutions culturelles ou s'apprêtent à le faire. Dans le Nord, le collectif a obtenu d'être présent lors de ces lancements de saison pour donner ses propres informations sur le conflit en cours. Celle de Poitiers demande aux responsables d'opter pour une "saison morte", tant que le protocole n'a pas été retiré.

"BOYCOTTER LES ABONNEMENTS"

Plusieurs collectifs veulent appeler les spectateurs à "boycotter les abonnements et à renvoyer les billets". L'idée n'en sera pas adoptée par la coordination nationale : les Parisiens la jugent "maladroite" et les représentants de Besançon s'y opposent : "Est-ce qu'on souhaite vraiment que les saisons soient annulées ?" La coordination Ile-de-France a rédigé un texte qui explique aux directeurs d'institution en quoi ils sont directement concernés. La réduction du nombre d'intermittents va selon elle entraîner "la hausse de certains coûts salariaux et l'augmentation du prix des spectacles ; la déperdition des effectifs et des compétences techniques ; l'indisponibilité des équipes contraintes à une course frénétique aux cachets, créant des conditions de travail impossibles où, pour pouvoir bloquer techniciens et artistes sur une période, il faudra considérablement augmenter le taux et le nombre des cachets (...)."

Plusieurs rendez-vous nationaux ont été fixés pour les semaines à venir. L'appel à la grève du 4 septembre, lancé par la CGT, est repris par la coordination nationale. Elle appelle aussi à la manifestation du 6 septembre, initiée par la Confédération paysanne, contre la réunion de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui doit s'ouvrir à Cancun (Mexique), le 10 septembre. Elle souhaite s'emparer des Journées du patrimoine, les 20 et 21 septembre, pour en faire une tribune d'information et de mobilisation.

Catherine Bédarida
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 02.09.03