http://www.lemonde.fr/imprimer_article_ref/0,5987,3246--332821,00.html

A Strasbourg, les intermittents évitent les euro-militaires
LE MONDE | 05.09.03 |

Strasbourg de notre correspondant

"L'art est une arme de construction massive" : derrière ce slogan, un groupe déguisé en commando paramilitaire suivi de quelque 150 intermittents a défilé au son du tambour, jeudi 4 septembre, dans les rues de Strasbourg. Parti du Musée d'art moderne et contemporain, le cortège est passé devant le siège bas-rhinois du Medef avant de se retrouver, en milieu d'après-midi, face à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC).

Là, ils ont poussé des huées face aux tribunes vides dressées devant le bâtiment. La place venait d'accueillir les cérémonies officielles du dixième anniversaire du corps d'armée européen, dont l'état-major siège à Strasbourg. S'y trouvaient la ministre française de la défense, Michèle Alliot-Marie, et ses homologues espagnol, allemand, luxembourgeois et belge. Les deux manifestations ne se sont pas croisées.

Le Théâtre national de Strasbourg (TNS) s'est associé à la journée de grève. En assemblée générale la veille, son personnel permanent et les intermittents actuellement employés pour Le Misanthrope de Molière, qui est en répétition, avaient rédigé une lettre au ministre de la culture, Jean-Jacques Aillagon. Dans ce courrier, ils lui demandent "de décider d'un moratoire et de la renégociation du protocole de réforme de l'assurance-chômage des intermittents du spectacle, agréé par l'actuel gouvernement le 6 août dernier".

LE FESTIVAL MUSICA "EN DISCUSSION"

"Ce protocole est doublement dangereux : d'une part parce qu'il exclura du régime d'indemnisation spécifique une grande part de ceux qui font actuellement le théâtre public en France, d'autre part parce qu'il fragilisera considérablement ceux qui parviendront à rester dans ce régime", affirment les grévistes du Théâtre national de Strasbourg. Le théâtre doit diffuser jeudi 11 septembre, dans sa petite salle Hubert-Gignoux, un film réalisé par la Coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France.

Le conflit des intermittents a pour l'instant épargné la onzième édition du festival Voix et Route romane, ouvert le 30 août à Sélestat (Bas-Rhin), qui propose dix concerts dans toute l'Alsace jusqu'au 3 octobre. Son président, Gilles Folléa, a exprimé "la solidarité sur le fond" de son équipe avec les intermittents. Ils pourront, à l'issue des concerts, s'expliquer avec le public sur le parvis des églises romanes qui accueillent ce festival de musique ancienne.

Le directeur du festival de musique contemporaine Musica, qui doit commencer le 26 septembre, est pour sa part en discussion avec la coordination locale des intermittents. "Je leur ai dit que j'étais ouvert à l'idée qu'ils puissent dialoguer avec le public, les institutions et les médias de façon sereine, explique Jean-Dominique Marco. Je souhaite d'ailleurs que ce soit les intermittents de Musica qui s'expriment, car ils seront 35 techniciens au plus fort du festival." Il se dit confiant et s'emploie actuellement à rassurer les orchestres et formations étrangères qui doivent venir et qui lui font part de leurs inquiétudes.

Jacques Fortier
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 06.09.03