http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3236--334027-,00.html Les chaînes ne bousculent pas leur grille pour la rentrée sociale LE MONDE | 15.09.03 | 13h34 Alors que des acteurs sociaux se plaignent d'avoir du mal à expliquer leurs revendications à la télévision et que certains ont recours à des interruptions de programme, les responsables d'antenne se défendent de mésestimer les mouvements. La brutale coupure d'antenne par des "inconnus" lors du débat entre Luc Ferry, ministre de l'éducation nationale, et les enseignants, lundi 8 septembre sur France 2, a sonné comme un avertissement pour cette rentrée sociale que certains annonçaient "chaude". Même si l'on ne sait toujours pas qui en est l'auteur - France 2 a porté plainte contre X... -, cette action a montré que les différents conflits de ce printemps (retraites, enseignement, décentralisation) et, plus récemment, ceux des intermittents du spectacle ou des personnels de santé pendant la canicule peuvent se radicaliser. Déjà, au début du mois, le journal de France 3 Paris - Ile-de-France avait été interrompu par un groupe d'enseignants mécontents. Ces interruptions d'antenne ont rappelé que la télévision reste un enjeu majeur pour l'ensemble des acteurs du mouvement social, en mal de communication. Après plusieurs semaines de grève sans avoir obtenu de satisfaction dans leurs revendications, certains grévistes ont exprimé des frustrations, et ont l'impression d'être privés de parole. Déjà, au printemps, plusieurs responsables syndicaux, comme Gérard Aschéri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU), affirmaient leur "mécontentement" et leur "irritation" sur la façon dont les chaînes de télévisions - et en particulier le service public - traitaient les conflits sociaux (Le Monde du 3 juin). "Faux procès !, rétorque Olivier Mazerolle, directeur de l'information sur France 2. Hier comme aujourd'hui, nous n'avons rien à nous reprocher." Selon lui, la chaîne joue son rôle de service public et affirme chaque jour sa "fonction intégratrice". Un souhait exprimé par Marc Tessier, PDG de France Télévisions, pour qui " l'avenir du service public passe par sa capacité à orchestrer de grands débats nationaux" (Le Monde du 27 août). "Dans les éditions du journal, ainsi que dans les magazines comme "Mots croisés" ou "100 minutes pour convaincre", une grande partie du débat a été mené sur notre chaîne avec tous les acteurs du mouvement social", poursuit M. Mazerolle. En revanche, concernant le débat sur l'éducation nationale qu'il animait, lundi 8 septembre, en direct de la Sorbonne, il se fâche : "C'est extraordinaire ! On nous reproche de ne pas organiser de débat, mais lorsque nous réunissons tout le monde sur un même plateau, l'émission est brutalement interrompue. Il faut plutôt se demander quelle légitimité ont ces gens pour priver d'un moyen d'expression ceux qui veulent débattre, et si ce n'est pas dangereux pour la démocratie ?" Du côté de France 3, où l'on ne se sent pas non plus visé par les critiques concernant le service public, Hervé Brusini, directeur de la rédaction, indique qu'aucun grand débat n'est prévu sur la chaîne dans les semaines à venir. "Il est vrai que depuis plusieurs mois les enjeux sont très forts et les tensions réelles, mais nos choix éditoriaux ne se font pas en fonction de notre statut de service public, dit-il. Sur France 3, le débat a lieu tous les jours dans nos éditions nationales et régionales, avec un nouveau "19/20" qui dure désormais près de deux heures, ainsi que dans les magazines politiques comme "France Europe Express"." Quelque peu épargnée par les attaques, TF1 n'envisage pas pour autant de bousculer sa grille pour organiser un grand débat en première partie de soirée sur le malaise social. "Il ne se justifie pas pour l'instant, car le débat sur la situation sociale a lieu chaque jour dans les journaux de la chaîne, estime Robert Namias, directeur de la rédaction de la Une. Chaque chaîne a sa vocation. Celle de TF1 est de s'adresser au plus grand nombre en proposant des journaux de qualité avec des reportages et des explications. Cela doit être le cas puisque le journal de 13 heures est suivi par 7 millions de téléspectateurs et celui de 20 heures par près de 10 millions." Le patron de la rédaction de TF1 assure que sa chaîne veille scrupuleusement à l'équilibre du temps de parole. "Nous avons le souci que chacun puisse s'exprimer, et le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne nous a fait aucune remarque à ce sujet", poursuit M. Namias. "Le temps des grands débats arrivera avec les prochaines échéances électorales, et TF1 sera bien évidemment présente", promet-il. Sur LCI, la chaîne info filiale à 100 % de TF1, Jean-Claude Dassier, directeur général de la chaîne, explique qu'il n'a "aucune difficulté" à organiser des débats. "C'est notre passeport et nous avons plus de demandes que de refus", dit-il. La situation sociale ? "Elle est traitée au même titre que la situation internationale. Depuis des mois, tout le monde est venu en parler, mais nous ne souhaitons pas jeter de l'huile sur le feu. Il faut être prudent avec une information créée par une minorité radicale. Je n'ai pas l'impression que sur LCI la parole soit confisquée." Face à une nouvelle radicalisation du mouvement, les responsables des chaînes estiment que "la télévision est une proie facile", surtout lorsqu'elle organise des émissions en direct. "Dans le malaise social, la télévision n'est pas en cause, affirme M. Mazerolle.Elle fait bien son travail et il est hors de question de travailler dans un bunker."Et d'ajouter : "Il est certain que si on donne la prime aux casseurs le problème d'organiser ce type d'émission se posera." Daniel Psenny • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.09.03 |