http://www.lefigaro.fr/culture/20030904.FIG0196.html

Les jongleries d'un «ingé'son»
E. B.-R.

Il devrait n'avoir aucune difficulté pour obtenir ses 43 cachets en dix mois (304 jours). En 1999, il en a déclaré 114 ; 75 en 2000, 86 en 2001, 69 en 2002... Chef opérateur son à 213 euros la journée, Jean-Louis est-il un «permittent», un de ces intermittents travaillant si régulièrement pour un employeur que l'Unedic voudrait le voir sortir du système et intégrer le régime général de l'assurance chômage ? Certes, il a commencé ses collaborations chez une grosse société privée de production audiovisuelle, il y a 15 ans. «Mais je n'ai pas l'impression d'exercer un travail régulier camouflé. Elle ne me procure que la moitié de mes cachets.» D'autres sociétés - «cinq en moyenne dans l'année» - font appel à lui. En outre, musicien, Jean-Louis additionne aussi quelques cachets d'artiste interprète et complète ses revenus avec un peu de droits d'auteur puisqu'il est compositeur de génériques d'émissions.

Cette année, par exemple, il a obtenu trente cachets de musicien en mai, juin et juillet. «Ils étaient bienvenus car j'arrivais dans la période creuse des techniciens d'audiovisuel», commente-t-il.

«Avec la nouvelle loi, je crains d'être inquiété et, surtout, je pense que la société de production va l'être également.» Cela serait injuste selon lui car «la production qui travaille souvent avec des invités qui sont des vedettes surbookées ne peut gérer son planning d'enregistrement qu'à très court terme. Elle est donc soumise à des creux et à des moments de suractivité durant lesquels elle doit pouvoir avoir recours à des «ingé'son» intermittents. Lesquels redeviennent inutiles dès que les émissions sont dans la boîte pour une saison ou deux». Jean-Louis aussi n'a pas la maîtrise de son calendrier.

Parfois les propositions abondent et se télescopent, parfois elles se font attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pour lui, le problème des «faux intermittents» vient plutôt des secrétaires ou des standardistes qui sont employés au cachet. Ceux-là ne se trouveraient pas là où on les croit. «Les grosses sociétés de production sont tellement dans le collimateur du fisc et de l'inspection du travail qu'elles sont hyper-rigoureuses. Même les notes d'essence sont déclarées au centime près. Non, je crois que les sociétés qui abusent sont plus les sociétés prestataires de service, où il y a des plateaux, des studios, du matériel, des camions.» En somme, «en se contentant de vérifier correctement, l'Etat aurait eu ses 30% d'intermittents purgés».