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Le mouvement des intermittents prend de nouvelles formes à Paris et en province
LE MONDE | 13.09.03 | 14h11
Dans la capitale, le Théâtre de la Ville est occupé. A Nantes, l'ouverture du Lieu Unique a été reportée à fin novembre ; celle du Théâtre des Treize Vents, à Montpellier, est suspendue.

Les intermittents du spectacle ne lâchent pas. En tout cas, certains d'entre eux, les irréductibles déterminés à aller jusqu'au bout. Mercredi 10, dans l'après-midi, la coordination des intermittents et précaires d'Ile-de-France a délaissé l'ancien commissariat du 3e arrondissement de Paris qui lui avait été alloué pour investir le Théâtre de la Ville.

 
Après avoir mis des chaînes devant les portes d'entrée - ouvertes pour que le public puisse avoir accès à la location, en attendant la première de la saison, le 20 septembre, avec Le Soulier de satin -, certains intermittents sont allés dans les étages de l'administration pour se servir du matériel.

"Vous n'avez pas le droit", leur a dit une employée, qui s'est allongée sur la photocopieuse ; "Nous avons tous les droits, ce théâtre nous appartient", ont répondu les impétrants, qui ont transformé une salle inoccupée du sous-sol en QG, et le hall en point de rencontre. Pourquoi avoir choisi le Théâtre de la Ville ? Pour deux raisons, selon un membre de la coordination : "Le commissariat était trop exigu pour l'échauffement intellectuel, et nous cherchions un lieu symbolique."

Gérard Violette, le directeur du Théâtre de la Ville, était alors dans le train pour Gand où il allait voir Wolf, le spectacle d'Alain Platel qui aurait dû faire l'ouverture du Festival d'Avignon. Sitôt arrivé, il a pris le train du retour. Depuis, il négocie : "J'essaye de transformer cette invitation imposée en invitation consentie", explique Gérard Violette. "Les intermittents ont accepté le principe de respecter absolument les consignes de sécurité, de répétition et de bon déroulement des spectacles. Mais cela pose des problèmes de logistique, qu'il faut résoudre." Gérard Violette, qui doit également discuter avec son équipe, se donne jusqu'à lundi pour savoir si un " accord occupation"de son théâtre est possible.

DÉCISIONS COLLECTIVES

En province, deux directeurs de structures publiques se tiennent aussi sur une ligne dure : Jean Blaise, au Lieu Unique, à Nantes, et Jean-Claude Fall, au Théâtre des Treize Vents, à Montpellier. L'un suspend la décision d'ouvrir son théâtre à la rentrée, l'autre a décidé de ne pas l'ouvrir. "Nous soutenons depuis le début le mouvement des intermittents, explique Jean Blaise. Et nous pensons qu'il est trop facile de dire que nous sommes d'accord sur le fond mais pas sur les méthodes. Dès le début de l'été, nous avons mis notre théâtre à la disposition des intermittents. Et nous avons décidé d'annuler ou de reporter les spectacles qui étaient prévus jusqu'à fin novembre. De leur côté, les intermittents ont décidé d'organiser une "Semaine morte pour la culture vivante", du 13 au 19 octobre, dans tous les Pays de la Loire. Nous y participerons."

A Montpellier, Jean-Claude Fall a réuni l'équipe des Treize Vents en assemblée générale. A l'issue d'un vote à bulletins secrets, il a été décidé à 26 voix contre 6, sur 33 votants, que le théâtre n'ouvrirait pas le 24 septembre, comme prévu, si rien n'a changé d'ici là. "Nous considérons que, dans l'état actuel, les conditions d'exercice de nos métiers ne sont pas remplies, explique Jean-Claude Fall. Nous demandons un moratoire d'application de l'accord du 26 juin, et la mise en scène d'une cellule d'urgence." En attendant, l'équipe est au travail : "Nous ne sommes ni dans une logique de grève, ni dans une logique d'annulation, précise le directeur. Le Théâtre des Treize Vents n'est pas le village d'Astérix coupé du monde. Nous sommes ouverts au dialogue. Si une position acceptable est prise au niveau national, nous la suivrons."

"La bonne proposition est que tout le monde se mette autour d'une table, y compris celle que propose le ministre", dit-on dans l'entourage de Jean-Jacques Aillagon. "Le mouvement n'est plus celui de l'été, qui a mené à des annulations sacrificielles sans changer la détermination du gouvernement. Dans l'ensemble du pays, les troupes veulent jouer. Nous sommes passés à l'heure de la réflexion." Par ailleurs, l'interlocuteur précise que la mise en place des assises du spectacle vivant - prévues par le ministère et organisées par Bernard Latarjet, président de l'Etablissement public du parc et de la grande halle de La Villette - n'est pas compromise : "Les DRAC -directions régionales des affaires culturelles- organisent des rencontres qui fourniront une matière de travail à Bernard Latarjet. La seule chose qui change, c'est que le ministre, qui devait animer lui-même des réunions en région, y a renoncé. C'était un peu trop tôt pour le faire. Les assises nationales, prévues au départ pour novembre, n'auront lieu qu'en janvier. Et comme, en ce moment, le milieu n'est pas, disons, fanatique de ces réunions, eh bien voilà..."

Brigitte Salino
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 14.09.03