http://www.humanite.fr/journal/2003-09-06/2003-09-06-378361

Journée nationale d'action du 4 septembre

Aillagon s'obstine, perd et manque

Le ministre campe sur ses positions tandis que, dans toute la France, les professionnels du spectacle, avec un slogan lapidaire " Abrégez, abrogeons ", exigent le retrait du protocole d'accord du 26 juin.

" Abrégeons, abrogez. " Ce slogan, écrit dans l'urgence sur un vieux drap tendu entre deux bouts de bois, pourrait résumer l'esprit qui prévalait dans le cortège parisien. Partie à 15 heures à quelques mètres du nouveau siège du MEDEF - avenue Bosquet - que protégeait un cordon de gardes mobiles, la manifestation, forte de près de 10 000 participants, a géographiquement retracé le cordon ombilical qui semble, ces temps-ci, relier le siège du patronat à ceux du pouvoir politique, en défilant jusqu'au ministère de la Culture.

Sourd aux clameurs qui envahissaient la rue de Valois, M. Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication, est sorti un instant de la réunion du Conseil national des professions du spectacle (CNPS), qui se tenait au même moment, pour un point de presse organisé dans les salons du ministère. Concernant le protocole d'accord dont les professionnels du spectacle en action dans toute la France réclament le retrait, le ministre a déclaré : " la position du gouvernement est irréversible ". Selon monsieur Aillagon, dont les éléments de discours, à ce moment-là, se superposent en harmonie à ceux des signataires de l'accord et autres thuriféraires qui en vantent les mérites dans les médias, le protocole adopté le 26 juin dernier serait même une franche victoire : " Nous avons sauvé l'intermittence en préservant le dispositif qui aurait pu, sinon, verser dans le régime général de l'indemnisation du chômage ". Nulle précision sur les forces obscures auxquelles le gouvernement aurait ainsi résisté. Quant aux " sauvés ", la mobilisation de cet été montre qu'ils ont plutôt eu l'impression de prendre la bouée sur la tête. Qu'importe. Le 7 août dernier, cet accord était agréé par le gouvernement. Son application devrait entrer en vigueur le 31 décembre 2003 et ce, pour deux ans. Jean-Jacques Aillagon a fixé, à cette date butoir, l'élaboration, " selon le vou du premier ministre " d'une " loi-cadre sur le spectacle vivant " qui sera ensuite soumise au vote du Parlement.

Dans cette optique, le ministre de la Culture, qui se veut " très vigilant " sur l'application de l'accord, a détaillé les " grands chantiers " dont il souhaite la mise en ouvre. Il s'agirait, sans attendre, de " mettre à plat toutes les questions relatives aux professions du spectacle, de la formation à la retraite en passant par " l'entrée dans le métier ; les conditions de son exercice ; les modalités de rémunération ; la couverture sociale ; la sortie d'activités et la reconversion ". Du berceau à la tombe, en quelque sorte, si l'on se réfère aux politiques menées en ces matières par le gouvernement Raffarin. Monsieur Aillagon entend également " repenser les politiques publiques de création héritées d'André Malraux et de Jack Lang ". Il faudrait ainsi, " sans renier les choses ", reconsidérer " l'engagement de l'État, celui des collectivités publiques et territoriales, leurs croisements et leurs missions spécifiques, les statuts des établissements de création et de diffusion. " Le mot de " décentralisation " n'a pas été prononcé, pas plus que les centres dramatiques nationaux (CDN) n'ont été expressément désignés. De quel autre fleuron de l'héritage pourrait-il donc être question dans " l'acte de refondation " annoncé ? Les mesures budgétaires que vient d'annoncer le premier ministre augurent mal du rôle que l'État entend jouer dans les politiques publiques, et la culture ne semble pas bénéficier de ressources particulières.

Tandis que les intermittents occupent le Grand Théâtre de Limoges, celui de Nantes, les locaux du MEDEF de Montpellier et Perpignan (lire ci-contre) ; tandis qu'ils manifestent à Toulouse, Lyon, Bordeaux, Rennes ou Marseille, le ministre de la Culture invite l'UNEDIC " au-delà de l'accord du 26 juin " à engager, pour l'avenir du dispositif, une réflexion " plus large et beaucoup plus radicale ". Elle se devrait d'aborder les champs d'application du dispositif en précisant " qui sont les entreprises et les salariés qui en relèvent " ; examiner les " caractéristiques particulières des différents métiers qui en bénéficient ". Le ministre n'a pas souhaité répondre à une demande de précision quant aux " catégories " ou " métiers " qui pourraient se retrouver exclus du dispositif d'assurance chômage des professionnels du spectacle, malgré sa volonté de rendre " plus sélectives les annexes VIII et X "

Dehors, la détermination ne faiblit pas, comme si les propos du ministre étaient déjà connus. La FSU est venue sous les vivats apporter le soutien des personnels de l'éducation nationale. La délégation, qui se préparait à être reçue au ministère, restera aux portes. Devant la Cour des comptes, les huées s'enflamment au son des cuivres. Colère.

Zoé Lin et Dominique Widemann