http://www.lefigaro.fr/eco-medias/20031021.FIG0020.html (lien mort)

LÉGISLATION La durée des spots sur les chaînes privées comme publiques pourrait augmenter
Le gouvernement veut réformer en profondeur la publicité télévisée


Paule Gonzales
[21 octobre 2003]


Récession économique oblige, le gouvernement entend faire de l'audiovisuel une priorité. Qu'il soit public comme privé. L'effritement de Canal + et l'absence d'entreprises françaises sur la scène internationale incitent aujourd'hui les pouvoirs publics à améliorer le financement du secteur dans son ensemble. Conscients que les subsides publics sont désormais insuffisants pour contrer hausses des prix et coûts de développement, le gouvernement se tourne désormais vers la publicité.

Au sein de ce dernier, et plus particulièrement, à Bercy, au ministère de l'Economie et des Finances, on étudie la possibilité de revoir l'ensemble des principes qui régissent la pub à la télé. L'idée, alléger le plus possible une législation que beaucoup jugent «trop contrai gnante» et «dépassée».


C'est notamment la publicité sur les chaînes publiques qui serait augmentée. L'Etat envisage de faire sauter le verrou des huit minutes de publicité par heure glissante et de rétablir la durée initiale. Elle était de douze minutes avant la loi du 1er août 2000.


Cette mesure n'aurait sans doute pas été étudiée sans la suppression progressive des secteurs interdits de pub TV. Pour être en conformité avec la législation européenne, la France a dû accepter une libéralisation de ces secteurs comme la presse, la distribution, ou le cinéma. Elle se fera dans un premier temps en faveur des chaînes locales, du câble et du satellite. En 2007, cette ouverture sera élargie aux chaînes hertziennes. Pour éviter l'augmentation des tarifs et de saturer les écrans de la télévision privée, le gouvernement envisage donc de desserrer l'étau autour de la télé publique.


Mais augmenter la pub sur les chaînes publiques ne sera pas la seule mesure. Les chaînes privées voient, en effet, d'un très mauvais oeil une telle mesure. Une telle ouverture devrait en effet jouer sur les tarifs publicitaires et peut-être les priver d'une partie de leurs recettes. C'est pourquoi le gouvernement étudie la possibilité d'augmenter également la durée de la publicité sur les chaînes commerciales et pourquoi pas de faire passer cette dernière de douze minutes actuellement à quinze minutes. De quoi éviter l'encombrement des écrans, d'autant que certains poussent une autre idée, celle d'augmenter la durée des spots publicitaires. Enfin le gouvernement pourrait céder à une très vieille revendication des opérateurs privés, à savoir la deuxième coupure publicitaire pendant les films et téléfilms.


Pour justifier l'ensemble de ces mesures, le gouvernement fait valoir la situation de la France par rapport à d'autres pays européens en matière de publicité. En 2001, le marché publicitaire télévision et radio représentait en Allemagne et en Angleterre plus de 5,7 milliards d'euros, alors qu'en France, il tourne, encore aujourd'hui, autour de 3,5 milliards d'euros.


Mais pour éviter la bronca de l'ensemble des professionnels du cinéma et de l'audiovisuel toujours en mal de financement, les pouvoirs publics seront cependant obligés de doubler l'ouverture de publicité de garanties en leur faveur. C'est notamment une redéfinition plus restrictive de l'oeuvre qui pourrait être proposée. De quoi réduire l'accès au Cosip et en écarter certaines émissions de plateau parfois assimilées à des documentaires. Il faut dire que depuis près de deux ans, toutes les organisations syndicales militent en ce sens.


Pour passer dans les faits, l'ensemble de ces réflexions implique de recourir à la loi et de réformer la législation mise en place par le gouvernement précédent. En tout état de cause, ce n'est pas avant deux ans qu'une telle réforme pourrait passer. De quoi laisser au gouvernement le temps de recevoir tout ce qui compte dans l'audiovisuel et faire les ajustements nécessaires pour asseoir un tel bouleversement.


Toutes ces pistes sont lancées alors que le débat budgétaire fait rage. Au centre de la polémique le devenir de la redevance. Pour améliorer son rendement, le gouvernement a fondé toute sa politique sur la lutte contre la fraude censée rapporter à termes 60 millions d'euros. «Des recettes théoriques», estiment les détracteurs de cette politique à commencer par les membres les plus éminents de la commission des finances comme son président Patrice Martin-Lalande.

Car ce que refuse cette commission c'est la mesure technique permettant une telle lutte, à savoir le croisement des fichiers de la redevance et ceux des câblo-opérateurs. Et ce au nom des libertés publiques. Déjà la Cnil a émis un avis défavorable à une telle mesure.

Les députés refusant d'aller contre un tel avis, il faut désormais au gouvernement transiger. Ce dernier fait habilement remarquer que le refus de l'Assemblée nationale «pénalisera gravement l'audiovisuel public» qui a déjà consenti bien des efforts et a réduit la voilure de tous ses développements.

Ainsi Francetélévision a déjà renoncé aux 150 millions d'euros de dotation en capital promis au titre du contrat d'objectifs et de moyens signés en 2001.

De même, les chaînes publiques se sont engagées à poursuivre leurs efforts de productivité – un plan de 170 millions d'euros d'ici fin 2005 – afin d'accorder des moyens supplémentaires aux grilles de programmes qui devrait augmenter en 2004 de 4% alors que la ressource publique n'augmentera que de 3%.

Il reste que la redevance en France est l'une des plus basses parmi les plus grands pays d'Europe, de même que le montant total des ressources publiques alloué au secteur. Il existe un différentiel de près de 40% entre l'Allemagne et l'Hexagone.