Face à la police. Guide des manifestant-es actif-ves sur le canton de Vaud

Groupe anti-répression, GAR, Lausanne, 2002

Quelques droits importants face à la police du canton de Vaud


D’une part, il n’est pas évident de connaître ses droits et d’autre part, il est souvent difficile de les faire appliquer. Il est fréquent qu’en essayant de faire valoir vos droits, la police vous accuse de faire « traîner les choses » ou encore de ne pas vouloir « collaborer » (y manquerait plus que ça !).


Nous avons des droits, alors il n’y a aucune raison de les laisser déraper !

Toute concession est une porte ouverte à une restriction de nos libertés.


Il est important de savoir que si l’on est accuséE, l’amende ou la condamnation est identique, que l’on collabore ou pas ! Il n’existe pas de remise de peine si l’on dénonce touTEs ses petitEs camarades. L’application des lois variant selon les cantons, les informations contenues dans ce fascicule peuvent ne pas être valables dans d’autres cantons...

Contrôle d'identité


Dans tout endroit public, la police est autorisée à vous demander de justifier votre identité. Dans les endroits privés ouverts au public (bistrots,cinéma, garage,...) elle n’a pas le droit d’intervenir, sauf en cas de trouble de l’ordre public ou de flagrant délit. Selon le Tribunal Fédéral, la police doit avoir un motif pour vous contrôler. Dans les faits, lorsque vous demandez quels sont les motifs du contrôle d’identité, la réponse est souvent la même : « Vous ressemblez à une personne que l’on recherche ! ». Vous n’êtes pas obligéE d’avoir une pièce d’identité avec vous. Mais cela peut éviter que l’on vous embarque au poste pour vérifier vos coordonnées. Un permis de conduire, une carte d’étudiant ou d’entreprise, un abonnement avec photo sont des peuves suffisantes de votre identité.


Si des policiers débarquent chez vous sans mandat, vous ne devez pas les laisser entrer ! Vous pouvez vous opposer verbalement, mais jamais par la force. Si les policiers rentrent malgré tout, il faut immédiatement leur dire de quitter votre appartement et que vous allez porter plainte pour violation de domicile et abus de pouvoir. Essayez d’appeler des témoins…


Le principe de proportionnalité: La police doit respecter le principe de proportionnalité. Cela signifie qu’elle doit réagir en fonction de la situation. Elle ne doit pas emmener quelqu’un au poste pour une infraction simple, mais juste prendre son identité. De même, les menottes ne sont autorisées qu’en cas de résistance violente. La police ne doit pas sortir d’arme si vous n’êtes pas vous-même arméE ou menaçantE...


La police ne peut vous embarquer au poste que dans les cas suivants et en respectant le principe de la proportionnalité:

1. Vous n’avez pas vos papiers et la police a des doutes quant à votre véritable identité.

2. Vous êtes sous mandat d’amener, d’arrêt ou ordre d’écrou décerné pour exécuter un jugement.

3. En cas de « flagrant délit » d’une infraction poursuivie d’office (par exemple personne étrangère sans permis valable ou des troubles de l’ordre).


Concernant les infractions qui ne se poursuivent que sur plainte (par exemple, occupation de locaux), la police ne peut que relever votre identité ou saisir provisoirement des pièces à conviction. La police a le droit de vous appréhender sans mandat en cas de péril en la demeure, c’est à dire si vous mettez quelqu’un en danger, ou si d’après leurs constatations ou des renseignements dignes de foi, vous êtes fortement soupçonnéE d’un crime ou d’un délit.

Les menottes ne peuvent être utilisées que si vous résistez avec violence, ou si vous vous apprêtez à prendre la fuite.


Le concept d’identification visuelle:

Depuis quelques années, à Lausanne, la police ne procède plus forcément à des contrôles d’identité, mais se base sur la reconnaissance visuelle. Cela veut dire que vous pouvez recevoir une amende ou être amenéE devant un tribunal simplement parce qu’un policier vous a « reconnuE » en train de commettre une infraction. Dans la pratique, ce système est loin d’être infaillible et laisse la porte ouverte à tous les abus. Dans plusieurs cas, notamment lors de manifestations, des policiers ont ainsi «identifié» et inculpé des personnes qui n’étaient pas sur les lieux...


Convocation à la police


Si la police vous convoque pour une « affaire vous concernant » ou pour « enquête », vous n’êtes pas obligéE de vous présenter à une telle convocation. Si vous allez au rendez-vous, vous vous mettez spontanément à leur disposition.

Exigez au minimum une convocation écrite qui vous donnera un certain nombre de renseignements: nom de l’insecteur, éventuellement du juge. Ce n’est que si vous recevez un mandat de comparution signé par unE juge que vous devez donner suite, sans quoi vous risquez un amende (notée sur le mandat) et que l’on vienne vous arrêter avec un mandat d’amener. Remettez cette convocation à unE amiE afin qu’il/elle intervienne si vous n’êtes pas relachéE après l’interrogatoire.


Si vous êtes au poste


La police a le droit de vous questionner, mais vous n’êtes pas obligéE de répondre ! (Sauf aux questions essentielles : pour les suisses, ce qui est écrit sur la carte d’identité et pour les ressortissantEs étrangers/ères, une adresse d’hébergement en Suisse et des moyens de subsistance).


Si vous venez de vous faire embarquer, dès votre arrivée au poste, vous avez le droit de prendre immédiatement contact avec vos proches ou unE avocatE (sauf avis contraire du juge). Dans la pratique, ce droit vous est très rarement accordé. Insistez ! Si la police vous confisque des objets personnels (agenda, photos, disquette), vous pouvez exiger qu’ils soient mis sous scellé et qu’on vous remette un inventaire signé des objets séquestrés, c’est-à-dire (théoriquement) que les policiers n’y auront pas accès. Les fouilles doivent être opérées par quelqu’un du même sexe. Les fouilles corporelles (anales/vaginales) doivent être effectuées par un médecin.


Interrogatoire de police


Vous n’avez pas le droit d’être assistéE par unE avocatE lors des interrogatoires à la police. Pour les mineurEs, ils/elles peuvent être assistéEs par leurs parents ou la personne qui exerce la garde, mais elle ne doit pas être avocatE. Vous devez toujours demander exactement ce qui vous est reproché. Si l’infraction ne se poursuit que sur plainte, demandez à la voir, car sans plainte vous devez être relâchéE immédiatement. Exemple : violation de domicile, dommages à la propriété, graffiti.


Dans la majorité des cas, les suspectEs sont condamnéEs uniquement sur la base de leurs aveux pendant l’interrogatoire. La police essaiera de vous intimider («ce serait plus simple d'avouer: on a des preuves»; «tes copains ont déjà parlé»; «on va te garder jusqu'à ce que tu causes»; «si tu refuses de répondre, c'est que t'es coupable ou que tu as des choses à te reprocher»; «c'est pas grave ce que t'as fait, tu ferais mieux de nous le dire», etc). Pour vous soutirer des informations, il arrive que les policiers se répartissent les rôles du méchant et du gentil et alternent intimidation et paternalisme. Ne faites pas plus confiance aux gentils qu’aux méchants. Vous avez le droit de vous taire, utilisez-le au maximum!


En aucun cas vous n’avez à répondre aux questions concernant: les lieux et bistrots que vous avez l’habitude de fréquenter, ce que vous fumez, vos amiEs et connaissances, votre lieu de travail, vos préférences sexuelles, vos opinions politiques, vos habitudes et celles des copains et des copines, si vous êtes séropositif-ve, si vous consommez alcool, drogues. Si ce genre de question se présente, il est conseillé de répondre : « Je ne répondrai pas à ce genre de questions », et si l’inspecteur/trice insiste : « Je vous ai déjà répondu à cette question » (sous-entendu je ne dirai rien). Si cependant vous choisissez de parler, n’engagez pas d’autres personnes que vous par vos déclarations. Si vous ne savez pas ce que l’on vous reproche, à trop parler, vous risquez de vous accuser d’un délit que la police ignore. Cela s’appelle un auto-goal.

Vous avez le droit de mentir, pour autant que les mensonges n’impliquent que vous-même et qu’ils ne provoquent pas l’ouverture d’une nouvelle enquête. Il est également conseillé d’éviter tout mensonge qui risque de vous entraîner dans des contradictions. Mieux vaut se taire !


Le droit de se taire


Vous avez le droit de vous taire, sauf si vous êtes entenduE comme témoin assermentéE par un juge.


Exemple de réponse possible :

Police : « Avez-vous participé à telle manifestation ? »

Réponse : « Je ne fais pas de déclaration » ou « je refuse de répondre à ce type de question ».


Police : « Pourquoi ? »

Vous : « Je refuse toute déclaration à ce sujet. ».


Devant votre refus de parler, les policiers peuvent vous menacer de vous garder jusqu’a ce que vous avouiez. En réalité, ils peuvent vous garder au maximum 24 heures, après quoi vous devez être relachéE ou passer devant un juge. Quelques heures de détention supplémentaires valent parfois mieux que des aveux irréfléchis!


Le procès verbal d'audition


Durant l’interrogatoire, la personne qui vous interroge dicte un procès-verbal à unE greffier/ère. Si vous n’êtes pas d’accord avec la dictée, vous pouvez intervenir immédiatement et demander à rectifier. A la fin de l’interrogatoire, on vous soumet le procès-verbal afin que vous le signiez. Vous pouvez toujours refuser de signer sans dire pourquoi. Vous avez le droit d’ajouter vous-même à la fin du procès verbal, les corrections, précisions et protestations que l’enquêteur aura refusé d’apporter. Relisez très attentivement le procès-verbal et refusez de le signer s’il ne reflète pas fidèlement vos déclarations. Signez au raz du texte pour qu’il n’y ait pas de rajout possible après votre signature.


Voilà en résumé quelques points important à connaître. Ils sont tirés de nos diverses expériences pratiques ainsi que du livre de Jean-Pierre Garbade « Vos droits face à la police », aux éditions d’En-Bas, à ajouter absolument à sa bibliothèque !


Encore un dernier point


Le juge d’instruction peut ordonner la surveillance du courrier et des conversations téléphoniques d’unE inculpéE ou de toute personne « suspectée » d’un crime ou d’un délit ou d’avoir commis un acte punissable au moyen du téléphone. Le juge peut aussi ordonner la surveillance de la ligne d’unE amiE soupçonnéE de recevoir ou de transmettre des informations destinées à la personne suspectée.


Donc :

pas de discussion au téléphone ou mobile ! ! ! Sans rire, c’est hachement important !


Comment réagir: le témoignage


Si vous voulez réagir ou porter plainte après un problème avec la police, la première chose à faire est de mettre par écrit ou d’enregistrer sur cassette votre témoignage.

Il se passe parfois plusieurs années entre les événements et l’enquête ou le procès.


Si vous êtes inculpéE, victime ou témoin d’abus policiers, il est donc nécessaire de conserver une trace écrite des faits suivants:

Date, heure, lieux, circonstances, nombre de policiers et matricules, nom des témoins.

En cas de blessure, il est impératif de faire établir un constat médical.


Si vous ne voulez pas poser de plainte, il est conseillé au moins d’envoyer des lettres avec votre témoignage. Rendre la situation publique est le premier pas dans la lutte contre la répression. Vous pouvez par exemple envoyer des lettres au courrier des lecteurs, à la municipalité, au commandant de police,... en demandant une prise de position des autorités.


Comportement en cas d'action ou de manifestation


Quelques conseils utiles:


Avant de vous rendre sur place:

Prendre le strict minimum (laisser agenda, armes, drogues... à la maison).

Prendre de quoi écrire et une carte téléphonique pour prévenir vos proches en cas de problème.

Ne mettez pas de vêtements qui gênent vos mouvements.


Pendant la manifestation:

Ne pas appeler les gens par leur nom: parmi les manifestantEs se trouvent souvent des policiers en civil.

Ne pas prendre de photographies permettant, en cas de saisie du film, à la police d’identifier des manifestantEs.

Marcher en groupe, ne pas rester isoléE (risque d’arrestation). A la fin de la manifestation, essayez de ne pas partir seulE. En cas d’arrestation, criez votre nom aux autres manifestantEs afin qu’il soit possible d’entreprendre des démarches pour votre libération. Si vous assistez à une arrestation, essayez d’en avertir les autres participantEs.