Lorsque madame la
ministre trempe dans des eaux troubles…(Un cours accéléré pour une
ministre pressée)
La ministre Monique Jérôme-Forget est tellement obnubilée par sa quête
de services publics à privatiser qu'elle agite de bien drôles
d'épouvantails pour justifier cette décision. Ou bien Mme
Jérôme-Forget est complètement ignorante du débat qui a sévi au Québec
ces dernières années ou bien elle a volontairement tronqué les faits ce
qui est particulièrement inquiétant.
Prenons donc quelques instants pour rectifier certains des propos de la
ministre.
Premièrement, veuillez noter madame la ministre que l'eau de Montréal
est une des meilleures et une des moins chères à produire. Le
réseau de gestion, de production et de distribution de l'eau potable
est géré avec compétence. Bref, la privatisation de l'eau est une
mauvaise solution à des problèmes qui n'existent pas.
Deuxièmement, nous lui conseillons de se mettre à jour dans la
littérature consacrée à la privatisation de l'eau en Angleterre.
Le seul avantage connu de cette privatisation a été une
augmentation pharamineuse des profits des entreprises privées
dorénavant chargées de ce service public. Mais c'est peut-être là
ce que recherche la ministre. Elle devra toutefois expliquer à la
population pourquoi nous devrions adopter un modèle désastreux qui a
conduit à une hausse des coûts, une dégradation du réseau, des
problèmes de santé publique et, pour les plus pauvres, des coupures de
ce service essentiel pour non-paiement de taxes. Pendant ce temps
la Yorkshire Water est trouvée coupable de 17 chefs d'accusation
d'avoir fourni de l'eau dangereuse à ses clients!
Par la même occasion, elle peut aussi prendre quelques minutes pour
jeter un coup d'oeil du côté de Paris où, cet été, il a beaucoup été
question de la re-municipalisation des services d'eau. En effet,
un rapport a conclu que la facturation de l'eau inclut une marge de
profit excédentaire à 40% ce qui représente une « poule aux oeufs d'or
» pour les multinationales de l'eau.
Et elle peut aussi se renseigner sur les motifs qui ont amené les
populations de Vancouver, Moncton, Halifax, Toronto à rejeter la
privatisation de leurs services d'eau.
Troisièmement, rappelons à la ministre que la société québécoise s'est
déjà prononcée à de multiples reprises contre la privatisation de l'eau
notamment lors de la Commission Beauchamp du BAPE en 1999-2000 et que
cette dernière n'a pas retenu cette voie à suivre.
Quatrièmement, Walkerton n'a pas connu d'aussi graves problèmes parce
que son réseau est public, comme vous le prétendez madame la ministre,
mais bien parce que les coupures budgétaires et la déréglementation ont
débouché sur des réductions de personnel et la fin des analyses en
laboratoires gouvernementaux. Ce sont les recommandations du
Groupe conseil sur l'allègement réglementaire du Québec, qui propose
moins d'autorisations gouvernementales et moins de normes
environnementales, qui devraient inquiéter la ministre tout comme
l'utilisation de laboratoires privés!
Cinquièmement, il est assez étonnant qu'en 2003 il faille rappeler que
l'eau est un bien public et non une marchandise source de profit comme
voudrait le faire croire les ténors du néolibéralisme. À
l'exception de ceux et celles pour qui le marché est une religion, nous
savons tous que l'eau ce n'est pas du Coke! L'eau est pas mal
plus essentielle pour l'humanité.
Malheureusement il n'y a pas que les sornettes de la ministre qui nous
inquiètent. Au début de l'été, l'annonce inattendue de son
collègue de l'Environnement, Thomas Mulcair, sur l'installation des
compteurs d'eau dans toutes les résidences du Québec n'a guère été plus
rassurante (mais où est-il passé ce ministre?). Tout comme les
intentions gouvernementales de revoir larticle 45 du Code du travail,
dont l'objectif de permettre davantage de sous-traitance aura comme
conséquence d'ouvrir toutes grandes les portes menant à la
privatisation de l'eau.
Si l'eau est bonne à Montréal, si l'eau n'est pas si bonne en
Angleterre, si les coûts du privés sont grotesques en France et
ailleurs, si la ville d'Atlanta USA au paradis de la libre entreprise
brise son contrat avec Suez, une des plus grandes multinationale de
l'eau, qu'est-ce qui pousse malgré tout la ministre dans cette
direction? Sommes nous devant un cas d'aveuglement idéologique?
Mme Forget se veut-elle l'émule de Mme Tatcher? Ce qui nous
porterais à confirmer le vieux dicton qui dit que, souvent, les
politiciens québécois prennent le train en retard et que, souvent, ils
débarquent beaucoup plus loin que la gare!
Nous, qui regroupons des citoyennes et citoyens très préoccupéEs par
ces orientations gouvernementales, nous nous opposons à ces projets qui
nous appauvrirons collectivement et individuellement.
Yves Bellavance
Table régionale des organismes volontaires d'éducation populaire
(TROVEP) de Montréal
(un regroupement de 70 groupes communautaires montréalais)
527-1112
André Bouthillier
Coalition québécoise pour une gestion responsable de l'eau: Eau Secours!
(un regroupement pouvant rejoindre près de 900 000 personnes au Québec)
514-270-7915
Montréal, le 16 septembre 2003
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